Exercice d’écriture créative créé par Pascal Perrat, ÉVEILLEUR D’IDÉES ® :
Dominant la mer, la villa Brise d’amour avait tout pour plaire, mais aucun couple n’y résistait. Les agents immobiliers s’en cachaient bien. Or, il advint… Inventez la suite.
Mon texte :
Une aubaine à saisir
Dominant la mer, la villa Brise d’Amour avait tout pour plaire, mais aucun couple n’y résistait. Les agents immobiliers s’en cachaient bien. Or, il advint un nouvel agent immobilier, tout juste recruté par l’agence “La Clé” pour remplacer son meilleur vendeur, Clément Marchand, qui quittait le coin pour cause de divorce. Le pauvre avait eu la mauvaise idée de s’installer dans la villa avec sa femme et ses deux gosses. Le prix, extrêmement à la baisse, qu’il avait obtenu lui avait fait oublier le sort réservé aux couples qui emménageaient dans la villa Brise d’Amour. Les cartons étaient à peine déballés que les premières disputes fusaient à travers les cloisons et quatre mois après avoir pris possession des lieux, Clément et sa femme, prirent la décision de mettre fin à leur mariage. Très affecté, l’agent avait, par là même, donné sa démission et il avait déjà trouvé un nouvel emploi, à cent kilomètres de là, quand Jonas Danlongue, titulaire d’un Master en Droit des opérations immobilières, depuis seulement trois semaines, fut recruté pour le remplacer. Le directeur n’avait pas hésité à lui proposer le poste dès la fin de l’entretien d’embauche. Le stage de quatre semaines, qu’il avait effectué dans l’agence la plus renommée de la région, l’avait convaincu sur papier. Ses autres stages, notamment dans des cabinets spécialisés en droit immobilier, ne l’intéressèrent pas. Le jeune homme prétendait vouloir connaître le terrain et le salaire lui convenait, donc pourquoi s’enquiquiner avec des questions inutiles. Il avait besoin de quelqu’un rapidement et ce quelqu’un venait d’accepter le poste.
Ce qu’ignorait le directeur, c’est que Jonas était un bon fils de famille et futur héritier, entre autres, de la fameuse agence “La belle demeure”, dirigée par sa mère. Ce qu’il ignorait encore, c’est que la prestigieuse cheffe d’entreprise utilisait son nom de jeune fille pour ses affaires. Il ne lui était donc pas possible de faire le lien de parenté.
Mais alors, que venait faire Jonas Danlongue dans ce patelin qui n’avait, pour seuls atouts, qu’une falaise et une cidrerie artisanale et qui n’était desservi que par un autocar départemental.
Une passation de dix jours avait été exigée par monsieur François Maisonneuve, directeur de l’agence, pour que la jeune recrue puisse profiter des connaissances et des conseils de celui qu’il considérait comme irremplaçable. Le jeune homme se comporta de la meilleure des manières. Il était toujours en avance et courtois. Il écoutait attentivement et posait des questions pertinentes. Une complicité s’installa entre les deux agents et le directeur se félicitait de l’avoir embauché, il avait eu du nez ! La période d’essai du jeune homme se passait au mieux.
Vint le jour où Clément présenta la villa Brise d’Amour à Jonas. Il décida de ne rien lui cacher de la malédiction et se confia même sur sa triste expérience personnelle. Le jeune homme se montra compatissant et posa plein de questions sur la maison. La question sur le prix, et s’il était négociable, arriva très vite dans la conversation. Clément confirma qu’au vu de sa situation, il était dans l’urgence de vendre. Son ex lui demandait une pension alimentaire plus qu’exagérée, selon lui. Le prix avait été affiché à la hausse afin de pouvoir laisser les futurs acquéreurs négocier à la baisse. Jonas demanda quelle était la vraie valeur de ce bien et ne s’étonna pas de l’appréciable différence. Il était du métier et avait déjà bien compris ses rouages.
Clément fit un pot de départ et se vit offrir un bon d’achat de 150 euros à dépenser dans une enseigne de mobilier suédois. Toute l’équipe s’était cotisée pour lui donner un petit coup de pouce. Il devait équiper l’appartement qu’il louait à présent, sa femme ayant récupéré la majeure partie du mobilier de la villa. Le directeur lui octroya une belle prime sur son dernier salaire, en remerciements de ses quinze ans de collaboration, mais surtout par pur geste amical.
Le lendemain du départ de Clément, Jonas se présenta au directeur avec une offre d’achat pour la villa Brise d’Amour. François Maisonneuve le félicita et s’enquit du montant. L’offre était en dessous du prix demandé, mais restait convenable puisqu’elle était au prix réel du marché. Monsieur Maisonneuve prit connaissance de la lettre et s’étonna en lisant le nom de cet acheteur providentiel.
Deux mois s’écoulèrent, le temps que les formalités notariales soient terminées, et Jonas Danlongue emménagea dans sa nouvelle demeure, la villa Brise d’Amour.
Quelques jours avant son embauche, il avait entendu parler de cette villa sur un réseau social. Un influenceur, qui s’était spécialisé dans les malédictions, avait publié une vidéo sur cette étrange demeure, réputée être une briseuse de ménages. Curieux, Jonas s’était aventuré jusqu’à la ville où elle se trouvait. Il était tombé par hasard sur l’agence immobilière qui la vendait et sur l’annonce affichée à la hâte sur la devanture : Urgent, recherche vendeur, débutant accepté. La suite n’avait été qu’un lot de bons évènements. La chance lui avait souri et il prit ça comme le signe qu’il allait se sortir de la sordide situation dans laquelle ses parents l’avaient fourré.
Son père, Michel-Henri Danlongue, PDG d’une entreprise de construction multinationale, s’était accordé avec sa mère pour que le mariage entre leur unique rejeton et l’héritière des Manufactures de la Vallée, Géraldine De la Vallée, soit officialisé au plus vite. Mais Jonas n’aimait pas cette Géraldine, elle était guindée à l’excès et n’avait aucun humour. Ils se connaissaient depuis l’enfance et aucune année n’avait été en faveur d’une potentielle affection du côté du jeune homme. Le contrat de mariage attendait patiemment le grand jour dans le bureau du notaire de la famille, déposé là alors que Jonas n’avait pas encore quinze ans. Le choix de refuser cette union ne lui avait pas été laissé. L’honneur de la famille était en jeu et il était l’unique héritier du nom, il devait en être digne. Sa vie était tracée d’avance.
Il se risqua alors à une condition, le jour même de son entretien d’embauche à l’agence. Il se présenta devant ses parents à son retour, le soir même. Il leur témoigna toute son affection avant de tenter son coup. Il savait comment se comporter avec eux, toujours commencer par les brosser dans le sens du poil. Les complimenter, leur dire combien il était chanceux et reconnaissant. Un blabla qu’il avait l’habitude d’haranguer quand il avait une requête. Il alla jusqu’à risquer de dire combien Géraldine pouvait être jolie. Le froncement de sourcils de sa mère et le regard amusé de son père le rappelèrent de tenir un discours crédible. Son aversion pour Géraldine était bien connue d’eux. Il devait leur paraître sérieux donc il se reprit. Il précisa que finalement la beauté n’était pas le plus important et qu’il ferait de son mieux pour découvrir les qualités de sa future épouse. Tout ceci dit, il conclut en posant les termes de sa condition pour ce mariage.
Six mois plus tard, le mariage fut célébré et après un voyage de noces aux Maldives, la jeune épouse s’installa dans la maison que son mari avait achetée. Géraldine avait toujours été amoureuse de Jonas. De son côté, tout cela l’enchantait. Même venir se perdre dans ce patelin qui n’avait pas de centre équestre ni de golf à moins de cinquante kilomètres. Et puis, ce n’était pas pour toujours de toute façon. Ses beaux-parents lui avaient tout bien expliqué. Jonas voulait commencer en bas de l’échelle, se confronter au terrain, faire sa propre expérience, prouver qu’il pouvait réussir par lui-même. Côtoyer la classe moyenne pour mieux la cerner. Cela ferait de lui un meilleur dirigeant quand le moment serait venu de prendre la relève. Et cette maison, c’était pour mieux se fondre dans le décor. Mais, il était bien entendu que le loft à Paris et la villa en Corse étaient à leur disposition dès que Jonas estimerait qu’il était temps d’arrêter cette immersion.
Ce qu’ils ignoraient tous, c’est que Jonas avait eu l’idée de s’installer là pour une seule raison et cette raison leur était totalement inconnue. La rumeur avérée de malédiction n’était pas arrivée jusqu’à eux. Jonas joua diaboliquement bien la comédie, du jour où il porta sa femme pour passer le pas de la porte jusqu’à l’inévitable rupture.
Il ne fallut pas attendre bien longtemps avant que Géraldine ne supporte plus rien, surtout l’homme qui partageait sa vie. Elle devenait hystérique et demanda à faire un séjour au sein de la clinique de son oncle pour calmer ses crises de nerfs. Elle implora ses parents pour qu’ils approuvent sa décision de divorcer, très vite. Les chefs des deux familles, concernées par cette malheureuse union, se consultèrent et décidèrent de mettre fin à cette désastreuse affaire. Jonas poussa son stratagème au point de faire culpabiliser ses parents. À l’annonce de la demande de divorce, il se répandit en sanglots devant eux. Tout était de leur faute, il l’avait poussé à se marier et maintenant qu’il était éperdument épris de Géraldine, voilà que la femme de sa vie, oui la femme de sa vie, voulait le quitter !
Il les maltraita ainsi à loisir et, à chaque visite qu’il leur rendait, il s’accompagnait d’une mine déprimée et parlait peu. Il fixait son regard dans le vide et ne mangeait presque rien. Quand son père évoquait l’idée qu’il quitte son emploi, de mettre la villa Brise d’Amour en vente, et que cela pourrait peut-être l’aider à aller de l’avant, il se répandait à nouveau en faux sanglots. Ils ne comprenaient donc rien ! Cette villa, c’était tout ce qu’il lui restait de son amour perdu, elle lui rappelait quand il était heureux. C’était l’endroit où il avait connu le bonheur, il ne pouvait pas partir. S’il devait ne plus jamais connaître l’amour, il pouvait au moins vivre là où l’amour l’avait surpris quand il s’y attendait le moins. Les parents faisaient preuve de patience, espérant l’amélioration de la santé mentale de leur fils, dépressif par leur faute.
Les ignorants ne se doutaient pas que Jonas jubilait et se plaisait dans cette nouvelle vie. Il s’était fait de bons amis parmi ses collègues et sa relation avec le directeur était tout aussi amicale. Son travail lui convenait et il avait du temps pour sortir. Il multipliait les conquêtes tout en sachant qu’aucune d’elles n’allait s’éterniser dans sa vie.
Il vivait sa meilleure vie de divorcé, condamné au célibat suite à une terrible rupture, dont il ne se remettrait jamais.
4 réponses à “Une aubaine à saisir”
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Tout est bien pensé, incroyable 👏👏👏
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Merci 😉
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Monsieur « Danlongue » 😂😂😂
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Il raye le parquet !
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