Finaliste du concours de la correspondance de l’Association Pour Promouvoir l’Ecriture et la Lecture (A.P.P.E.L.) – Edition 2023/2024 :

La consigne était la suivante :

Irène Frain, romancière, journaliste, est sensible aux parfums exotiques des destinations lointaines. Elle apprécie la délicieuse saveur de la vanille. Elle vous demande de lui écrire l’histoire de la fécondation de la vanille de Bourbon. Comment un jeune esclave a-t-il pu découvrir cette technique ? Qu’est-il devenu ? Racontez-moi son histoire ! En 400 mots maximum.

Ma lettre :

Madame,

Edmond Albius a donné une couleur, une saveur à la vanille. La brièveté de sa vie n’a pas été de tout repos ; elle s’est achevée dans la pauvreté que sa condition lui réservait. Il aurait dû en être autrement. En d’autres temps, avec d’autres mentalités… Cet esprit ingénieux aurait pu récolter le fruit de son travail. Profiter d’une aisance financière et d’une vie meilleure, au soleil des Mascareignes. Mais, je vous parle d’une époque où la couleur blanche de la peau dictait sa loi.

Lorsqu’il est né, Edmond, en plus de perdre sa liberté, a perdu sa mère. Le sort parfois s’acharne. C’est en esclave qu’il a grandi à La Réunion, appelée Bourbon au moment des faits. Par ce que l’on pourrait définir comme une période satisfaisante de sa vie, il appartenait à un homme dont la passion pour la botanique déteignit sur lui. Pris sous l’aile paternaliste et affectueuse de ce propriétaire terrien, Edmond a poussé avec les fleurs et les plantes, et son intelligence n’a eu aucune difficulté à en comprendre le fonctionnement. Si bien que sa curiosité et sa réflexion lui ont permis de faire une découverte salutaire pour l’avenir de son île natale. Mais ses mains d’enfant, transformant une orchidée ornementale en un fruit exploitable et très lucratif, étaient bien trop noires pour que l’on puisse l’en féliciter. Pire, un botaniste reconnu, fier et jaloux, tenta de s’attribuer tout le mérite. Si bien que les doutes ne furent jamais dissipés. A défaut de savoir manipuler la vanille, il avait réussi à manipuler les esprits. Les fabulateurs s’accumulaient ; la vérité n’était pas si féconde. L’appât du gain rend misérable, certains en perdent leur noblesse d’âme.

Sept ans passèrent, à la faveur de l’abolition de l’esclavage. A dix-neuf ans, Edmond fut affranchi. En homme libre, il eut droit à un nom. Le sien, Albius, fait référence à une couleur ; le blanc. Était-ce un choix ironique de sa part ? On dit que c’est pour rappeler la couleur de la fleur de vanille.

La liberté ne lui vaudra pas d’être heureux le reste de son existence. Son destin n’y trouvait pas là son dessein. Je vous épargnerai le détail de son infortune, dont une condamnation pour vol, préférant vous témoigner ma compassion pour ce garçon, qui ne méritait pas une telle adversité.

Je vous remercie, Madame, pour m’avoir permis d’honorer la mémoire d’un homme remarquable.


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