Exercice d’écriture créative créé par Pascal Perrat, ÉVEILLEUR D’IDÉES ® :
Prends garde à toi, bel astre, le croque-lune, au printemps, se sent pousser des dents.
Mon texte :
Prends garde à toi, bel astre, le croque-lune, au printemps, se sent pousser des dents. Bien que cela fait des lustres qu’il n’en a plus vu une seule. Son palais est bien vide et plus aucune fête n’y est donnée. Dans ses salons, interdiction de mâcher ! Pas même une lichette n’est invitée. Ce n’est pas faute de liquidités, mais pas moyen de trouver ne serait-ce qu’un dentier. Mais voilà qu’un matin, passe chez lui un marchand. Le charmeur se dit enchanteur. Pour seulement trente pièces, un prix au rabais, trente cailloux ciselés et de la grosse ficelle, le tour sera joué. Pour cent pièces de plus, l’émail se changera en or. Quelques incantations suffiront et, comme la chance lui sourit, cette nuit de pleine lune est tout à fait opportune. À l’heure convenue, sur la colline à proximité, les cailloux sont alignés au sol en deux rangées. La ficelle, coupée en deux bouts de tailles égales, est déposée sur chaque rang. La paille qui encercle le tout est brûlée. La transe va pouvoir commencer.
Le mage met toutefois en garde le pauvre et naïf édenté :
– Mes dons me viennent de l’astre de la nuit. Je l’invoque, mais voyez vous, seul son accord me permet de réaliser l’impossible. La lune est imprévisible et craintive, mon ami, parfois elle ne veut pas et c’est ainsi. Je me dois de vous le confesser avant de commencer le rituel. Comprenez-vous bien ?
Ainsi prévenu, l’homme qui nourrit tous ses espoirs de cette magie providentielle, ne se sent pas découragé et presse le mage de continuer. Il n’a de cesse de sourire bêtement, le regard rivé sur le satellite. Il se laisse aller à des rêveries alors que les incantations résonnent jusque dans la forêt avoisinante. Dans son imagination, la lune prend la forme d’une belle pomme juteuse et croquante. Il peut même la cueillir de sa main droite et l’approcher tout près pour humer son parfum plein de promesses sucrées. Et voilà qu’à présent, il croque dedans et le jus dégoulinant, il le rattrape avec sa langue râpeuse. C’est un pur délice.
Le mage tombe un genou à terre et après un long râle, il s’adresse à son astre :
– Prends garde à toi, bel astre, le croque-lune, au printemps, se sent pousser des dents. Mais tu ne crains rien, bel astre, seul le croque-lune endormi peut te croquer. Aucune crainte, bel astre, cette nuit est bien trop lumineuse pour que le sommeil le mène au royaume des rêves. Ô, bel astre, tu peux t’approcher de nous sans risque. Transmets-moi ton énergie. Je t’invoque, mon bel astre, pour cet indigent près de moi. Vois-tu, il n’a plus une seule dent. Il ne peut plus se nourrir correctement. Regarde comme son corps est amaigri. Je t’implore, mon bel astre, pour lui faire pousser des dents. J’invoque le pouvoir de croque-lune ! Donne-moi le pouvoir de croque-lune ! Tu ne risques rien, ta lumière aveuglante ne peut l’assoupir. J’invoque son pouvoir pendant qu’il erre dans les méandres de l’insomnie.
Tout ceci dit, un grondement étrange sort le magicien de son exaltation. Le ciel s’est éteint et dans cette obscurité nouvelle, il ne distingue plus rien. Il n’y a plus aucun bruit à la ronde, hormis ce ronron guttural qui vibre fortement.
Chut.
Quelqu’un s’est endormi avant la fin de l’histoire.
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